Chaque civilisation du monde a sa propre vision de la vie, de la mort et de la maladie. Chacune d’entre elles a, au fil de son histoire, généré un système médical à l’image de cette vision : les médecines traditionnelles chinoise, tibétaine, ayurvédique, africaine, arabe, amérindienne, etc., bien que qualifiées chez nous de « parallèles », traitent actuellement plus des deux tiers de la population mondiale.
A l’heure où la planète devient un village global, notre médecine moderne doit s’ouvrir au fait qu’elle est une médecine parmi d’autres, et qu’il existe plusieurs manières d’appréhender le vivant.
L’Organisation Mondiale de la Santé n’a pu négliger l’apport incontournable que constituent ces ethnomédecines dans son programme de santé mondiale, et s’est dotée depuis une vingtaine d’années d’un groupe d’experts en médecines traditionnelles. Même si l’on peut regretter un manque d’intérêt ethnographique pour la manière dont ces médecines fonctionnent, la reconnaissance de ces savoirs est là : aujourd’hui, 80% des médicaments utilisés dans le monde sont dérivés de plantes médicinales traditionnelles.
Les ethnomédecines reposent sur une sagesse qui a traversé les siècles, et offrent une heureuse alternative à notre conception excessivement technologique et matérialiste de la santé. En Chine, la médecine traditionnelle chinoise cohabite avec la médecine occidentale, et ce système de santé bicéphale offre à la population, pour un coût de santé 40 fois inférieur au nôtre, la même espérance de vie que dans nos pays riches. C’est sans doute là le meilleur mariage qui puisse se faire, et que nous espérons voir un jour célébré chez nous.
Une nouvelle profession de santé, baptisée Ethnomédecin, est en train de voir le jour. Elle fait partie de ces nouveaux métiers de l’écologie qui préfigurent l’évolution sociale du 21e siècle. Sa définition est la suivante : « l’Ethnomédecin applique dans les régions ou le pays où il exerce, les méthodes thérapeutiques traditionnelles. Il contribue à la pérennisation des savoirs qui, sans lui, ont tendance à disparaître. Son action vise à développer l’autonomie plutôt que l’assistance ».
A propos d’autonomie, on peut se demander si des médecines traditionnelles issues d’autres civilisations sont à même de faire face à nos problèmes de santé d’occidentaux. N’est-il pas de tradition médicale plus proche, mieux adaptée à notre culture ? Il y a bien longtemps, Hippocrate, Galien et Paracelse jetèrent les bases de la médecine traditionnelle européenne, mais l’histoire a voulu que cette vision disparaisse, ramenée au champ exclusif des microscopes de la science expérimentale. Nous y avons perdu au passage nos racines, et c’est par le biais d’autres traditions que nous pouvons aujourd’hui retrouver nos liens avec le Ciel et la Terre. Car cette vision, et c’est ce qui nous sauve, n’est ni chinoise, ni tibétaine, ni arabe, ni africaine, ni indienne : elle est universelle, commune à tous les hommes et toutes les ethnomédecines du monde.